Notre paracha est consacrée, dans sa globalité, au Michkane, le Temple portatif et démontable qui accompagna les Enfants d’Israël dans le désert, durant quarante ans. Il préfigure le Temple de Yérouchalaïm (Jérusalem) qui, selon le Rambam (Maimonide), évoque bien plus que le concept d’un simple édifice de pierres. Dans ses Lois des rois, il nous invite à lire l’une des dimensions morales de la délivrance messianique.
Le Michné Thora est l’œuvre maîtresse du Rambam. Véritable première et unique encyclopédie de la loi juive, il se propose de mettre, sous une forme ordonnée, toute la dimension pratique du judaïsme. Ecrit entre 1170 et 1180, il décrit, en 14 livres, ce que doit être la marche à suivre, pour un Juif, dans sa vie quotidienne, allant même, jusqu’à aborder les lois qui, pour l’instant, n’ont pas cours, comme les lois de pureté et d’impureté et celles des sacrifices. A la fin de son ouvrage, il consacre deux courts chapitres au Machia’h pour décrire sa personnalité et son travail. Il écrit notamment « …que s’il construit le Temple et rassemble les dispersés d’Israël, il est le Machia’h, avec certitude… » (1).
La clé de la délivrance
Dans un premier temps, la construction du Temple et le rassemblement des exilés peuvent être perçus comme deux étapes strictement techniques dans le déroulement de la délivrance. Mais c’est mal connaître ce Maître, chez qui, chaque détail de ses écrits est porteur de multiples degrés d’interprétation. Ici, non seulement, le Rambam nous décrit le processus de l’avènement de la délivrance, mais il nous donne la clé pour la provoquer. Cette clef, affirme le Midrash Tan’houma, c’est l’unité, c'est-à-dire la capacité mentale à faire corps (et cœur) avec notre prochain.
Un frère égaré
Les Maîtres du Zohar expliquent que le Temple est le lieu de la présence divine dans le monde. Mais ils ajoutent que l’homme est aussi un Temple (miniature) avec une fonction identique : il doit aussi faire résider D.ieu, au sein de sa personnalité, au point (comme le Temple matériel) d’éclairer son environnement. Faire résider D.ieu en nous, signifie éradiquer toute trace de Mal dans nos pensées, paroles et actions pour Lui permettre de s’installer en nous. C’est le sens des mots du Rambam : comment provoquer la délivrance ? Par la construction du Temple. Pas seulement le Temple de Yérouchalaïm mais aussi le Temple intérieur que chacun doit construire par l’affinement de sa personnalité. C’est alors que la seconde étape, le rassemblement des exilés, devient possible. Elle consiste à rapprocher chaque Juif (encore en exil) de la Thora pour permettre l’unité d’Israël. Car comment pourrions sensibiliser notre prochain (rassemblement des exilés) si nous ne sommes pas nous mêmes construits (construction du Temple)? C’est là une condition incontournable pour rassembler (autour de la Thora) les Juifs éloignés. Toutefois, le temps est précieux et la pesanteur de l’exil et la souffrance qui l’accompagne doivent nous faire agir sans traîner. C’est pourquoi, nous ne devons pas attendre la perfection : même si nous n’avons appris que Alef, nous ne devons pas attendre de connaître Beth, Guimel, Daleth et le reste de l’alphabet pour sauver un frère égaré de l’assimilation. Enseignons-lui Alef. Il aura commencé à construire son Temple intérieur.
Gérard Touaty
Notes Lois des rois, chap. 11, parag. 4
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