Les sociétés humaines, dès le temps où elles se sont constituées, ont vu apparaître en elles, dans les modes de comportement et de pensée qui les structuraient, la notion de rite. L’évolution des choses – et peut-être une certaine forme de condescendance pour les héritages anciens – a fait que l’idée semble aujourd’hui bien vieillie. Pourtant le rite est précieux et le peuple juif en est le premier témoin. Toujours chargé d’un sens défini, toujours lié à une architecture spirituelle particulière, il donne à la conscience toute la force et la fermeté de l’acte. Autrement, elle n’aurait d’autre domaine que celui du ressenti fugace ou de la pensée instantanée.
L’époque lui reproche son caractère répétitif et, au premier regard, cela semble justifié. C’est même un de ses caractères essentiels. Mais c’est justement cette répétition qui lui confère sa puissance propre. Car, répété, il soulève des échos durables. Il entraîne avec lui l’âme qui s’y engage. Il enracine en chacun des messages qu’il faut apprendre à déchiffrer. Loin de tout automatisme social, il est, dans sa permanence, un acte qui invite à la vie. Comme un chemin balisé qui réunit avec certitude deux endroits éloignés qui doivent, malgré tout, se retrouver de quelque manière. La synagogue est sans doute le lieu où il exprime le mieux sa grandeur. Car, ici, il apparaît réellement pour ce qu’il est : une voie du lien avec D.ieu et, par conséquent, la source d’une force nouvelle pour chacun.
Justement, ce Chabbat en donne une illustration. En conclusion de la lecture de la Torah le matin, l’assemblée s’écrie d’un seul cœur : «fort, fort et nous nous renforcerons !» C’est que nous terminons alors le deuxième livre de la Torah – l’Exode – et cette exclamation salue la conclusion de chacun des cinq livres. Il faut ici relever un point. Le souhait-engagement qui retentit en cet instant ne salue rien d’autre que la conclusion d’un livre dans le cadre d’une lecture hebdomadaire. Cependant, son contenu le porte bien au-delà de ce qu’on pourrait attendre d’un «simple» rite cérémoniel. Il évoque une force assumée tant individuellement que collectivement et, l’évoquant, il la suscite. Nul ne peut en sortir inchangé.
Si notre temps est celui des joies estimables mais passagères, c’est une façon de retrouver le sens de la durée qui nous est ici donnée. Pour vivre, savoir et transmettre : autant de choses familières au peuple juif.
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